Jeux d'Histoire du Ponant - club de jeux d'Histoire à Brest

samedi 25 juin 2016

Cocherel, le 16 mai 1364

Charles V succède à Jean II le Bon, mort le 8 avril 1364 dans sa prison de Londres. Autour de Paris, les redoutables routiers gascons rançonnent les campagnes. Ils œuvrent en sous-main pour le compte du roi de Navarre Charles le Mauvais, allié aux Anglais, qui lorgne sur la Bourgogne.

Charles V doit réagir rapidement, et confie ses troupes au chef de bande breton Bertrand du Guesclin. Il commande à une armée hétéroclite, comptant des arbalétriers parisiens et picards, des Bretons, des Gascons et des routiers bourguignons.

En face, l'armée de Navarre est placée sous les ordres de Jean III de Grailly, captal de Buch, qui, outre ses Gascons, dispose d'archers et d'hommes d'armes anglais. Ils sont installés sur des hauteurs près du village de Cocherel et dominent les Français. Les Navarrais s’attendent à voir la cavalerie française se jeter à l’assaut des hauteurs en masse. Comme à Crécy et à Poitiers, les archers anglais n'auraient plus qu'à faucher les assaillants.

Les Français ne bougent pas. Bertrand du Guesclin propose même au captal de Buch un combat singulier que celui-ci décline. Le deuxième jour, les Français battent en retraite. Ne voulant laisser passer l'occasion d'une victoire facile, les Anglais se ruent à l'assaut des fuyards...

Les Français se replient ; les Navarrais, sur les hauteurs au loin, les observent
Les troupes anglaises se ruent dans la plaine, alors que les Gascons, perplexes, hésitent
Bertrand du Guesclin donne le signal de la volte-face...
...et les troupes françaises accueillent les Anglais impétueux comme il se doit
Les Gascons rejoignent leurs alliés et abandonnent les hauteurs fortifiées
Bertrand jubile, et parade sur son destrier en oubliant stupidement la proximité des archers ennemis
 Ignorant la disparition de Bertrand du Guesclin, les combats continuent de plus belle
A ce moment surviennent des chevaliers gascons qui prennent les Navarrais à revers
Des archers anglais tentent de les arrêter, en vain...
Gascons contre Gascons : le captal de Buch est capturé...
...alors que les derniers combats se résolvent dans la plaine
Les chefs sont tombés, les deux armées se dégagent du champ de bataille


Nous avons joué ce scénario sur une adaptation de la règle Lion Rampant, édité par Osprey.

Comme lors de la bataille historique, le captal de Buch a été capturé, et les ambitions de Charles le Maudit fortement compromises. Par contre, du Guesclin n'est plus. Nul ne saura jamais s'il aurait pu être autre chose qu'un simple chef de bande. Cette journée ne fut pas la sienne, définitivement.

dimanche 19 juin 2016

Patras, -429

 
 
Deux cités se battent pour le contrôle de la Grèce : d'un côté Athènes, à la tête de la Ligue de Délos, de l'autre Sparte, avec Corinthe et les cités alliées de la Ligue du Péloponnèse. A la stratégie terrestre agressive de Sparte, Athènes oppose une dynamique réponse navale.

Été -429, les troupes péloponésiennes se battent en Acarnanie. Une lourde flotte de 47 navires est chargée de les ravitailler. Mais l'amiral athénien Phormion intercepte le convoi et l'attaque au large de Patras avec ses 20 trières.



Ce scénario est inspiré par l'un de ceux proposés par la règle Poseidon's Warriors d'Osprey. Cette règle récente est très simple à mettre en œuvre et permet de rejouer très facilement et très rapidement des rencontres navales antiques, sans devoir s'encombrer de considérations techniques qui pourraient rebuter le joueur occasionnel.

Ici, pour notre exemple, une figurine de galère au 1/1200 représente 4 navires réels. Le joueur athénien ne dispose que de 6 tours pour prendre 5 navires à son adversaire.


Mais revenons à notre Histoire, et laissons la parole à Thucydide :

La flotte des Corinthiens fut contrainte de livrer combat à Phormion, qui avec ses vingt vaisseaux athéniens gardait la mer aux environs de Naupacte. Phormion (l'amiral athénien) attendait que la flotte ennemie sorte du golfe en longeant la côte pour l'attaquer. Les Corinthiens et leurs alliés, cinglant vers l'Acarnanie, n'étaient pas disposés à livrer un combat naval, mais un combat sur terre. Ils ne croyaient pas que l'escadre athénienne, forte seulement de vingt vaisseaux, aurait l'audace d'attaquer leur flotte qui en comprenait quarante-sept.
Les Corinthiens aperçurent la flotte athénienne qui s'avançait sur eux. Les stratèges de chaque côté firent prendre les formations de combat. Les Péloponnésiens prirent une formation circulaire, la plus étendue possible, impénétrable aux navires ennemis, proues au dehors, poupes au dedans ; quant aux bâtiments légers, qui naviguaient de conserve, ils les disposèrent à l'intérieur avec cinq de leurs navires les plus rapides pour qu'ils fussent à portée de venir rapidement à la rescousse sur les points les plus menacés.
Les vaisseaux athéniens, en ligne de file, tournaient autour du cercle, qu'ils rétrécissaient sans cesse, en serrant de près l'ennemi et en donnant continuellement l'impression qu'ils allaient fondre sur lui. Phormion leur avait recommandé de n'engager le combat qu'à un signal donné par lui. 
d'après La Guerre du Péloponnèse, Livre II -  LXXXIII-LXXXIV

Les Spartiates et leurs alliés sont placés en cercle pour se défendre
Les Athéniens se rapprochent, les Péloponnésiens resserrent leurs rangs
Malgré la menace des rostres ennemis, une trière athénienne tente d'éperonner une première victime
Les Spartiates,moins manœuvrants, rompent le cercle et tentent de riposter...
...et bien que leur supériorité soit indéniable pour l'abordage...
...le sens marin des Athéniens apportera la victoire à ces derniers

La guerre du Péloponnèse durera encore 25 ans. La supériorité terrestre de Sparte aura finalement raison d'Athènes et de sa puissance maritime.

lundi 13 juin 2016

Marathon



Vers -500, les cités grecques d'Asie Mineure se révoltèrent contre leurs maîtres perses. Sous l'impulsion de la cité de Milet, les rebelles connurent quelques succès initiaux. Ils ont même brûlé Sardes, la capitale du satrape d'Ionie.

Mais les Perses ont réagi fermement : les cités rebelles ont été remises au pas, l'une après l'autre. Darius promit également de châtier les autres cités qui avaient soutenu la révolte afin de venger l'affront subi à Sardes. Une première expédition échoue en -492. Deux ans plus tard, une nouvelle tentative d'invasion militaire est lancée.

Devançant l'armée, les émissaires de Darius réclamaient "de la terre et de l'eau" en gage de soumission au Grand Roi. Sparte et Athènes comptèrent parmi les rares cités à refuser. Les Perses débarquent à Marathon, à 35 km d'Athènes après avoir soumis Érétrie. Datis commandait les Perses. Arthaphernès, un neveu de Darius, disposait de l'infanterie.

Hippias, qui fut tyran d'Athènes, avait trouvé refuge auprès du Grand Roi. Avec l'aide des nombreux soutiens qu'il avait encore dans la cité, il comptait livrer la ville aux Perses qui pourraient le reconduire dans ses fonctions passées. De la plaine de Marathon, les Perses attendaient le signal indiquant que la cité ouvrait ses portes. Entretemps, les troupes de Datis organisaient leur campement.

Côté grec, ce n'est pas si simple. Sparte respectait une fête religieuse et ne pouvait dépêcher aucune troupe d'ici la prochaine pleine lune, et les Athéniens ne semblaient pas enthousiastes pour affronter ce terrible adversaire. Finalement, poussés par Miltiade, ce sont 10.000 Athéniens renforcés par 1.600 Platéens qui se sont présentés à Marathon. L'armée grecque était commandée par l'archonte-polémarque Callimaque.

Durant cinq jours, les deux armées sont restées face à face, à peine à 5 km de distance. Les Grecs ne voulaient pas se découvrir, car ils ne disposaient ni d'archers, ni de cavalerie, et auraient été laminés par les nombreux cavaliers perses. Ils attendaient aussi l'arrivée des renforts de Sparte.

De son côté, Datis préférait économiser sa faible infanterie, qui ne faisait pas le poids face aux lourds hoplites grecs, et attendait le signal de la reddition d'Athènes. La nuit du 11 au 12 août, en l'absence de signal des traîtres et de l'éventualité de l'arrivée imminente des Spartiates, Datis rembarqua sa cavalerie, direction Phalère, l'un des ports d'Athènes. Il pourrait ainsi forcer les portes de la ville, puis revenir rapidement prendre à revers l'armée grecque fixée à Marathon.  Il n'a laissé que 15.000 combattants dans la plaine, dont une très faible cavalerie.

La manœuvre n'avait pas échappé aux éclaireurs grecs. Les Athéniens décidèrent alors de tenter l'impossible : foncer sur l'ennemi et le détruire, puis rentrer à marche forcée à Athènes afin d'interdire le débarquement des Perses. Callimaque commande l'aile droite, les Platéens sont à gauche. Le centre du dispositif est aminci, alors que les ailes sont plus épaisses et plus fortes.

Le déploiement des Perses est plus classique : les Mèdes (dont les fameux Immortels) sont au centre, les peuples satellites (dont des Grecs) sur les côtés.

Les Perses sont devant leur camp, et s'appuient à gauche sur la baie, et à droite sur le Mont Kotroni
Les Grecs ont allégé la profondeur de leur centre afin de renforcer leurs ailes
Les Grecs se ruent sur les ailes perses
Les fameux Immortels, au centre, se tiennent en dehors des corps-à-corps
Arthaphernès tente de protéger sa vie
Les ailes perses sont réduites

Les hoplites grecs procèdent à un grand coup de balais...
... puis, les ailes ennemies nettoyées, les Grecs se lancent sur les Immortels
Le général perse est finalement coincé, et tombe en combattant


Sur notre table, la victoire fut grecque, et conforme à l'Histoire. Les Athéniens, victorieux, partirent vers Phalère qu'ils atteignirent alors que les Perses n'avaient pas encore débarqués. Datis vit les Grecs, comprit son échec à Marathon, et fit demi-tour pour rentrer en Perse. Le mythe de Marathon était né.


Et n'oublions pas les 2.000 Spartiates, arrivés deux jours après les combats !

lundi 6 juin 2016

La révolte des Germains : Nedao, 454

Afin de garder l’unité de l'Empire Valentinien III, l'empereur d'occident, avait imposé à sa sœur ainée Honoria de vivre chastement. Mais Honoria avait pris un amant, et l'empereur n'a eu d'autre choix que de l'envoyer au loin, pour mieux la contrôler. De Constantinople, la sournoise parvint à demander secrètement l’aide d'Attila et lui envoya sa bague en gage d'amitié. Mais Attila avait interprété ce geste comme une demande en mariage, et, l’offre acceptée, avait réclamé à Valentinien la Gaule comme dot, naïvement.



Attila envahit la Gaule au printemps 451, et est battu aux Champs catalauniques, y laissant une partie de son butin. L'année suivante, il se rua sur l'Italie, mais les misères de la guerre et de la maladie forcèrent les Huns et leurs vassaux à retourner en Pannonie. En 453, Attila meurt lors de sa nuit de noce avec sa nouvelle et tendre épouse. Le Khan laisse derrière lui une œuvre inachevée et une multitudes d'héritiers.



Les peuples vassaux, menés par les Gépides d'Ardaric, se soulèvent. Il serait regrettable de laisser passer une telle opportunité, à en croire certains "conseillers" venus de Constantinople.

L'histoire qui nous intéresse ici nous mène en Pannonie en 454, sur les rives de la Nedao (la Nedava, affluent de la Save). Une armée bigarée, regroupant Gépides, Goths, Hérules, Suèves et d'autres peuples germaniques rencontre les Huns (et leurs derniers fidèles) commandés par trois fils du regretté Attila : le khan Ellac et ses frères Ernak et Dengizich.



Dans la plaine, les Huns se déploient face aux hordes scélérates
Le khan compte sur ses cavaliers légers extrêmement mobiles
En face d'eux, les Gépides disposent principalement de troupes lourdes, cavalerie et infanterie
Très rapidement, les Huns se rapprochent de leurs ennemis afin de les harceler
Partout, les groupes cherchent à se mettre à leur avantage
Les Hérules s'appuient sur les rives de la Nedao
La cavalerie lourde gépide tente de casser le centre adverse
L'infanterie germanique tente de soutenir ses archers, déjà aux prises avec les cavaliers ennemis
Au centre, les Huns se referment sur les malheureux Gépides
Les Huns parviennent à contourner les Hérules, et leur asséner des coups fatals
Les nobles Huns paradent devant les archers légers germains
Le centre germanique a été balayé
Les cavaliers hunniques contournent aisément l'infanterie gothe...
...alors que la cavalerie ostrogothe défit bravement les cavaliers hunniques
Les forces sont éparpillées, façon puzzle
Les lourds gépides sont débordés, et battus
La fin des combats : les Huns l'ont emporté sur les rebelles

Laissons encore une fois la parole à Jordanès :
Ardaric, le roi des Gépides, se souleva le premier contre les fils d'Attila, et effaça par ses succès la honte du joug qu'il avait été contraint de porter. Et ce ne fut pas seulement sa nation qu'il affranchit en se séparant des Huns, mais encore toutes celles sur qui pesait leur domination ; car l'homme est prompt et ardent à toute entreprise dont le bien général est l'objet. On s'arma de part et d'autre pour une guerre à mort, et l'on en vint aux mains en Pannonie, au bord du fleuve nommé Nedao : c'est là qu'eut lieu le choc des diverses nations qu'Attila avait tenues sous son empire. Les royaumes, les peuples se divisent ; d'un seul corps il se forme des membres divers qui n'obéissent plus à une volonté unique, mais qui, privés de leur tête, s'abandonnent à de mutuelles fureurs ; et ces vaillantes nations, qui n'avaient jamais trouvé leurs égales, n'éprouvèrent de résistance digne de leur courage que le jour où elles tournèrent leurs armes contre elles-mêmes pour s'entr'égorger. Ce fut, je pense, un admirable spectacle pour le monde, de voir le Goth en furie frappant de son épée le Gépide, brisant dans les blessures des siens tous les traits dont ils étaient atteints ; le Suève orgueilleux de son infanterie, le Hun de son adresse à lancer la flèche, l'Alain lourdement armé, I'Hérule à l'armure légère. Après une lutte longue et meurtrière, la victoire favorisa inopinément les Gépides, et près de trente mille hommes, tant des Huns que d'autres nations inféodées, tombèrent sous le glaive d'Ardaric et de ceux qui s'étaient ligués avec lui. 

 

Peut-on en vouloir à Jordanès, qui, d'origine ostrogothe, a réécrit le récit de cette bataille fantastique en en faisant une victoire gépide ?

Notre table a démontré que les Huns étaient les véritables vainqueurs, mais les dissensions entre les trois fils d'Attila furent telles qu'ils ne profitèrent guère de leurs succès et s'entredévorèrent, en laissant leurs sujets germains renouer avec la liberté. Pour l'Histoire, c'est bien Ardaric qui fut gagnant.